25/05/2012

Les ingrédients d'une recette miracle

Qu'est-ce qui pourrait donc expliquer les récentes prouesses démographiques du village de Saint-Camille ?

Bien sûr, on peut d'emblée supposer que le caractère dynamique et accueillant du village en tant que tel n'est pas étranger à un tel succès.

C'est d'ailleurs un constat qui semble se faire de lui-même aussitôt que l'on commence à visionner le documentaire « Les Irréductibles », qui se trouve justement à décrire l'atmosphère communautaire et pour le moins joviale qui manifestement caractérise désormais ce petit village de l'Estrie. Notons au passage que l'on peut commander le documentaire en question par Paypal en cliquant sur le lien suivant, tandis qu'il paraît pratiquement impossible de se le procurer autrement, ou du moins en passant par Archambault...

Ceci étant dit, on pourra sans doute deviner que si la municipalité de Saint-Camille a réussi à carrément inverser chez elle la tendance démographique que l'on peut pourtant observer dans presque tous les villages du Québec, soit bien sûr celle de la décroissance, et ce sans pourtant disposer d'attrait touristique majeur comme le Mont-Édouard dans le cas de l'Anse-St-Jean, ce n'est certainement pas seulement en faisant les beaux yeux aux nouvelles familles qui se recherchent un endroit pour s'établir, ni simplement en étant gentil gentil avec eux...

En fait, point n'est besoin de visionner quelque documentaire que ce soit pour savoir que le succès de Saint-Camille découle essentiellement d''un projet en particulier, soit celui du « Rang 13 », qui consistait au départ à rendre à nouveau accessible un ancien rang désaffecté, et pour ce faire à mettre en vente un terrain d'environ 300 acres. Il est par ailleurs à noter qu'une telle vente, et ce à un prix qui, apparemment, s'avérait pour le moins avantageux, n'a été rendue possible qu'en raison de l'approche visionnaire du citoyen qui au départ était propriétaire du lot en question, et aurait pu obtenir un bien meilleur prix pour celui-ci, mais souhaitait tout bonnement que le terrain sur lequel il avait lui-même planté pas moins de 600 000 arbres (!!!) puisse justement servir à l'établissement de nouvelles familles plutôt qu'à la simple coupe de bois. En d'autres termes, il semble s'avérer un prérequis, si l'on veut que soit entreprise une forme de développement qui s'avère ne serait-ce que moindrement tournée vers l'avenir, que de pouvoir compter sur la générosité et la vision à long terme d'au moins une personne clé, et idéalement de l'ensemble des acteurs concernés, comme cela semble justement avoir été le cas à Saint-Camille.

Maintenant, pour entrer dans les considérations quelque peu plus techniques de l'expérience camilloise du Rang 13, il faut comprendre que le processus qui aura fondamentalement permis d'aller de l'avant à ce niveau fut essentiellement de passer par la création d'une coopérative pouvant servir d'intermédiaire entre le propriétaire originel et les nouveaux arrivants. Plus précisément, en procédant par ce qu'on appelle une « levée de financement » et notamment par l'émission de « parts privilégiées », la coopérative aura éventuellement pu générer le financement nécessaire à l'achat du terrain, du moins à partir du moment où elle aura su attirer une « masse critique » de membres contributeurs, en réussissant à atteindre le nombre de 17 familles inscrites, tandis qu'il y avait en tout 25 terrains potentiels, terrains qui depuis ont d'ailleurs tous été vendus. Or, là encore, notons que les nouvelles familles ont eu la chance de pouvoir bénéficier d'un peu d'aide extérieure, à travers au moins une subvention gouvernementale, soit celle désignée comme un « prêt à la mise de fond », et sans laquelle l'avenir du projet aurait fort probablement pu se voir compromise.

Une fois le lot en sa possession, la coopérative aura enfin pu passer à la vente de terrains en tant que telle, et réussir ainsi à financer ses propres activités tout en permettant aux nouvelles familles de prendre possession de leurs propres petits « lopins de terre ». En bout de ligne, ce furent donc pas moins de 25 nouvelles familles qui seront venues s'établir dans un petit village auparavant dévitalisé, tout cela à cause d'un projet bien conçu et bien mené, et qui surtout aura pu se voir bien appuyé et secondé lorsque pouvait s'en ressentir la nécessité.

Comme on peut sans doute s'y attendre, il semble que d'autres ingrédients entrent également dans la recette qui aura donc permis au projet du Rang 13 de bien tourner, un peu beaucoup comme une sauce qui aurait bien pris. Ainsi, en interrogeant une personne qui a tenu un rôle central dans le déroulement de ce processus, on apprend qu'aux yeux des principaux intéressés, l'un des facteurs qui auront le plus contribué à rendre le projet attrayant semble avoir été pour les familles impliquées de s'approprier celui-ci, et d'en devenir pratiquement les « maîtres d'oeuvre ». En fait, c'est même à ces dernières qu'il a finalement appartenu de délimiter les terrains en lesquels aura donc pu être divisé le lot qui leur avait été remis. De plus, les nouveaux arrivants se seront vus tout à fait libres de définir par eux-mêmes la « charte de fonctionnement » décrivant un ensemble de règles minimales par lesquelles ceux-ci acceptaient ainsi de s'engager, du moins jusqu'à un certain point, dans une certaine forme de « vivre-ensemble ». Or comme cette liberté, voire cette « souveraineté » se trouvent à tout simplement provenir du fonctionnement coopératif en lui-même, on pourrait pratiquement conclure qu'au fond, l'une des clés de la prouesse démographique semble s'être avéré le modèle coopératif en tant que tel.

Par ailleurs, il faut bien sûr avouer qu'un des aspects intéressant du projet s'avère sans doute le fait que les nouvelles familles se trouvent à être regroupées dans un même espace, ce qui constitue vraisemblablement un point de départ idéal pour ce qui est de permettre l'apparition entre celles-ci d'une dynamique d'interaction, voire d'interdépendance. Et en fait, toujours selon l'un des principaux acteurs concernés, l'expérience camilloise aurait représenté, aux yeux de plusieurs des nouveaux arrivants, une sorte de juste milieu entre l'individualisme typique de notre société et le modèle plus collectif et donc plus restrictif de « l'éco-hameau », qui se trouverait donc à présenter les inconvénients suivants : les bâtiments y sont souvent partagés et la vie de groupe tend à y être régulée de façon plus rigide, tandis que l'éco-hameau lui-même se trouve à être souvent retiré de la société dans son ensemble, ce qui tend donc à lui conférer une certaine marginalité. En comparaison, le modèle de Saint-Camille représenterait donc une sorte de juste milieu entre ces « deux extrêmes », en permettant à ceux qui y adhèrent de jouir des avantages d'une vie plus communautaire tout en conservant une certaine individualité. Alors vu comme cela, pourrait-on seulement mieux demander ?

De façon un peu plus concrète, tout cela pourrait surtout nous emmener à nous demander : jusqu'à quel point les exploits de Saint-Camille pourraient donc se voir transférés dans notre propre contexte ? Et en tout premier lieu, pouvons-nous vraiment prétendre disposer ici des ingrédients de la recette qui a donc si bien servi à ce village de l'Estrie ?

C'est ce dont nous discuterons donc plus tard sur ce blogue, et plus précisément lors de la prochaine entrée à paraître sur celui-ci !...

Et en attendant... Bon questionnement !...

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