Comme vous le
saviez peut-être déjà, les deux prétendants actuels à la mairie
de l'Anse-Saint-Jean, pour les élections de novembre prochain, sont
d'une part le maire sortant, M. Claude Boucher, et d'autre part M.
Lucien Martel. Après deux mandats, nous devrions commencer à bien
connaître le premier, et
pour qui
souhaiterait obtenir plus d'information sur celui-ci, il n'y aurait
qu'à lire ou relire les articles de ce blogue pour en retrouver sans
doute plus qu'on pourrait même en vouloir.
Mais qu'en
est-il du second ? Et en d'autres termes, pour ceux qui ne le
connaissaient pas déjà, qui est donc Lucien Martel ?
L'électeur
anjeannois n'aurait-il pas alors tout intérêt à en savoir plus sur
ce dernier afin d'être en mesure de faire un choix éclairé, et
notamment d'éviter d'ainsi de ne pouvoir faire mieux que se rabattre
sur le candidat que l'on connaît le mieux, en se fiant dont au vieil
idiome anglais selon lequel « Better the
devil you know than the devil you don't »
?
Je suis donc
allé moi-même rencontrer Lucien Martel, et je vous transmets dans
les lignes qui suivent le contenu de la petite entrevue que nous
aurons donc réalisée ensemble.
Alors bonne
lecture !
L'Éditeur du
Blogue du Pont Couvert
P.S. Veuillez
noter que pour simplifier la typographie dans les prochaines lignes,
et donc dans la transcription de l'entrevue en tant que telle, mes
questions apparaissent en caractères italiques, tandis que les
réponses de M. Martel sont donc présentées en caractères
standards.
Entrevue
avec Lucien Martel
D'après
ce que je comprends, vous avez eu un rôle importante à jouer au
moment de la création même du Mont-Édouard... Techniquement, on
pourrait même dire que c'est un peu vous qui l'avez fondé, d'après
ce que j'en comprends... Est-ce bien le cas ?
Le
Mont-Édouard a été construit en 1990 et a ouvert ses portes en décembre de la même année. Ce qui
est clair, c'est que je suis alors devenu le premier président de
son conseil d'administration, et ce après avoir travaillé
activement, pendant les trois années précédentes, à permettre la
réalisation de ce beau projet. Ceci dit, il y a bien évidemment
beaucoup de personnes qui ont alors été impliquées à ce niveau, à
commencer par le maire de l'Anse-Saint-Jean à l'époque, M.
Laurent-Yves Simard. Il s'était aussi formé un groupe de citoyens
ici à l'Anse, et c'est tout cela qui a fait qu'à un moment donné,
on a pu aller chercher les appuis nécessaires. Il faut dire que
j'avais moi-même beaucoup de contacts auprès du politique, on
parlait notamment à l'époque de MM. Gaston Blackburn et André
Harvey, alors on a travaillé beaucoup cet aspect là. Ça a quand
même été toute une opération d'aller chercher toutes les
subventions nécessaires au démarrage du projet, mais on y est
arrivé. On a également lancé une campagne de financement, à
laquelle les gens de l'Anse ont largement contribué, et on est allé
chercher comme ça un montant important auprès du public... Et c'est
comme ça que l'on a pu réaliser le Mont-Édouard.
On
entend parfois les gens véhiculer une certaine perception selon
laquelle après seulement un an à la tête du Mont-Édouard, vous
auriez « mis la station en faillite ». Que pensez-vous
d'une telle perception ?
C'est
certain que dès l'ouverture Mont-Édouard, on est tombé dans un
contexte plutôt difficile. En 90 ou 91, ça a été la crise
économique ; il y a d'ailleurs plusieurs stations qui, entre 90 et
95, ont fermé leurs portes ou changé leur statut. Prenons juste
l'exemple du Valinouët qui était lui aussi un organisme sans but
lucratif, et qui est devenu par après une coopérative, parce qu'il
avait vécu justement une situation financière difficile. Mais ce
que je voudrais personnellement mentionner, c'est qu'en autant que je
suis concerné, j'ai construit la station, j'ai été là un an, et
puis j'ai laissé le flambeau. Quand j'ai quitté, la station n'était
pas du tout en faillite, mais pas du tout! Sauf que c'était
difficile ! Quand bien même que je dirais que ce n'était pas
difficile : c'était difficile !
Ce
qui a plus spécifiquement créé la difficulté, à ce moment là,
c'était que l'on avait dû faire un emprunt d'environ 1,8 millions
afin de permettre le démarrage de la station. Et bien évidemment,
payer une dette comme ça dans un contexte où l'on voyait la
clientèle diminuer dans toutes stations de ski, ça a été
difficile. Moi j'ai quitté parce que j'avais déjà donné quatre
ans pour le Mont-Édouard, et je me disais : « Ben écoute, à
un moment donné, il va falloir que je consacre un peu plus de temps
à mon travail aussi ! ». Car il faut avouer que ça a été
pour ainsi dire assez exigeant, les trois années qui ont précédé
la construction de la station, plus sa mise en place après ça, lors
de sa première année d'opération...
Mais
de là à prétendre que la station était en faillite quand je suis
parti, je te dirais que c'est vraiment de sauter à des conclusions
un peu vite (rire), mais ceci dit, il faut reconnaître que les
difficultés se sont continuées suite à mon départ, ce qui
d'ailleurs fait qu'après quelques années, la station est devenue
une coopérative d'employés. Et par la suite, comme on le sait, la
municipalité s'est impliquée plus directement pour assurer la
survie de la station (en se portant acquéreur de cette
dernière)...
Oui,
la station a connu des difficultés, comme toutes les stations de la
province, mais ce qu'il faut voir, c'est que la station est encore là
aujourd'hui ! La municipalité a repris la station, ils l'auront eu
pour je ne sais combien exactement, et ça été une bonne décision,
ça on ne se le cachera pas... Par contre il y a eu des décisions
plutôt douteuses qui ont été prises par après, et qui ont eu pour
effet de créer un déficit assez important... Depuis que la station
est gérée par la municipalité, on a donc accumulé un déficit qui
doit tourner autour de 600 000 $, et qui, comme je le disais, a été
essentiellement causé par des décisions que je qualifierais de
douteuses.... Cela a fait en sorte que la corporation du Mont-Édouard
a dû faire un emprunt d'environ 800 000 $, et cela seulement pour
payer des fournisseurs, de même que pour payer la partie du chemin
d'accès qu'ils ont fait pour aller au sommet, et pour la tour qui a
été construite au sommet... Au fond, non seulement on n'a pas
réellement amélioré la situation du Mont-Édouard, mais on a
généré une dette considérable, et ce tout simplement pour payer
ce que j'appellerais l'épicerie ! Et bien entendu, l'impact de
telles décisions aura surtout été de réduire la possibilité
d'effectuer des investissements dans l'entretien et améliorations
des équipements qui sont vieillissants.
Quand
on regarde la situation actuelle, je considère que si ça avait
continué comme ça, et si ce n'avait été du DG qui est arrivé il
y a deux ans, soit bien sûr M. Claude Boudreault, je ne sais pas où
on serait rendu actuellement ! Je pense que M. Boudreault a pris ça
en main et a vraiment colmaté l'hémorragie, pour ainsi dire... Et
j'ajouterais même que si ça avait continué comme c'était parti,
et s'il n'y avait pas eu de décisions de prises par une personne qui
a eu a coeur la station, on serait peut-être même en faillite
aujourd'hui ! Ceci dit, je crois qu'il ne faut pas mettre ça
catastrophique, mais il reste que la situation qui a été créée
actuellement au Mont-Édouard résulte de décisions que je considère
plutôt déplorables, et qui provenaient essentiellement de la
municipalité...
Car
comme on le sait, la municipalité représente désormais le
principal intervenant dans les décisions qui sont prises,
puisque la station est maintenant gérée par la Société de
Développement qui est directement liée à la municipalité.
Disons
que cette entrevue semble confirmer l'impression que j'avais, à
savoir que certains faits méritaient d'être vérifiés par rapport
à votre implication passée auprès du Mont-Édouard... Parce que
lorsque l'on compare ce que vous venez me dire et ce que l'on peut
parfois entendre à votre sujet, il y a un fossé qui semble s'avérer
quand même assez impressionnant !
Effectivement...
D'après ce que je comprends, les gens paraissent avoir un opinion
plutôt favorable à mon égard, mais il y en a qui semblent s'être
fait livrer certaines informations moins positives en ce qui me
concerne... Et d'après ce qu'on m'a dit, certaines personnes
chercheraient en effet à faire courir cette rumeur selon laquelle
j'aurais mis en faillite le Mont-Édouard... En tout cas...
Sur
une note plus positive, on entend souvent dire de vous que vous aviez
déjà « sauvé » les Gîtes du Fjord, parce que vous les
aviez repris en main à une période plus difficle de leur
existence...
L'année
de l'ouverture du Mont-Édouard, le maire de l'époque, M.
Laurent-Yves Simard, a organisé une réunion concernant l'avenir des
Gîtes du Fjord, et à laquelle furent notamment invités quelques
membres du conseil d'administration du Mont-Édouard. C'était en
décembre ; c'est bien juste si c'était pas la veille de Noël... À
ce moment-là, les Gîtes étaient donc en difficulté; en fait, ils
étaient en faillite, et il y avait même un syndic qui était rentré
là-dedans... J'ai donc rencontré et regroupé une dizaine de
personnes afin d'essayer de rétablir la situation, parce qu'à
l'époque, les Gîtes, c'était quand même l'hébergement principal
ici à l'Anse-St-Jean, mis à part des gîtes du passant qui
s'étaient créés avec l'avènement du Mont-Édouard... Alors on ne
voulait pas que ça ferme ! C'est pourquoi ces quelques dix personnes
et moi-même avons investi de l'argent là-dedans, pour justement
sauver les Gîtes et leur permettre de continuer d'opérer. On a
investi de l'argent, et après un certain nombre d'années, on a
revendu nos parts, parce que l'objectif, ce n'était pas de faire de
l'argent, c'était vraiment de faire en sorte que les Gîtes puissent
continuer à opérer, et d'ainsi permettre au Mont-Édouard d'aller
chercher une clientèle qui pouvait être hébergée ici à
l'Anse-St-Jean... Comme je te dis, il y avait beaucoup de gîtes du
passant qui s'étaient alors créés, mais il y a beaucoup de gens
qui ne veulent pas aller dans les gîtes du passant, et qui préfèrent
aller dans de l'hébergement conventionnel, et c'est pourquoi nous
avons donc travaillé pour rétablir la situation.
Et
cette « opération de sauvetage » n'avait pas été
orchestrée pour que les Gîtes soient gardés entre les mains de
« personnes de la place » ?
Il
y avait un petit peu de ça, mais il n'y avait pas uniquement des
gens de la place qui étaient impliquées dans cette démarche, et tu
sais, j'étais un peu le leader de tout ça, et je peux te dire que
l'objectif, c'était vraiment de sauver les Gîtes pour faire en
sorte qu'on puisse opérer le Mont-Édouard pendant l'hiver de 1990,
plus exactement. Ceci dit, oui, sur les dix personnes, la plupart,
c'était des gens de l'Anse. Il y avait quelques uns qui étaient de
l'extérieur, mais la plupart étaient des gens de l'Anse.
C'était
connecté directement au Mont-Édouard, dans le fond ?
C'était
directement connecté, en effet. On voyait en fait que si on n'avait
pas les Gîtes, on perdait quand même une clientèle importante. On
a donc réussi à permettre aux Gîtes de continuer leurs opérations,
puis après quatre ou cinq ans j'ai passé le flambeau, car je
n'étais pas là-dedans pour une question d'argent. Je n'ai
d'ailleurs pas fait d'argent là-dedans, en fait j'en ai perdu plus
qu'autre chose ! C'est que l'intention première était vraiment de
sauver les Gîtes, et c'est aussi pourquoi j'ai revendu mes parts,
une fois que cette objectif a été atteint.
On
vous décrit quelquefois comme le « défenseur des causes
perdues », sans doute notamment à cause de votre implication
au niveau des Gîtes et du Mont-Édouard. Est-ce qu'il y aurait
d'autres événements similaires ou vous seriez intervenus en ce sens
?
Pas
nécessairement ici à l'Anse, je te dirais, parce que quand je me
suis retiré du Mont-Édouard, je me suis consacré davantage à mon
travail professionnel. Tu sais, quand j'ai travaillé pendant 4 ans
dans le dossier du Mont-Édouard, j'étais conscient que ça me
demandait beaucoup de temps... Alors évidemment, rendu à un certain
point, il a fallu que je remette toutes mes énergies dans mon
travail... Mais je te dirais que j'ai toujours eu à coeur ce qui se
passait ici à l'Anse.... D'ailleurs, il ne faut pas oublier que
lorsqu'on travaillait justement à la réalisation du Mont-Édouard,
il y avait quand même au delà d'une soixantaine de maisons qui
étaient en vente à l'Anse-Saint-Jean, ce qui n'était pas peu dire
! Or avec l'avènement du Mont-Édouard, non seulement les
propriétaires de maison ont pu vendre leurs maisons, mais celles-ci
ont en plus pris de la valeur ! Et on ne se le cachera pas, le
Mont-Édouard, à l'époque, ça se voulait vraiment la structure, le
moteur économique qui ferait en sorte que d'autres projets puissent
éventuellement se développer dans le milieu, et quand on regarde ce
qui se passe à l'Anse-Saint-Jean, pas seulement depuis les 5
dernières années, mais depuis que le Mont-Édouard existe, on voit
qu'au fil des années il s'est développé énormément d'entreprises
et de petites entreprises qui n'auraient probablement jamais existé,
ou du moins pas comme on en a actuellement, si on n'avait pas eu le
Mont-Édouard ! C'est donc un élément moteur important ; bien sûr,
ce n'est pas le seul, mais c'est un élément moteur important qui a
permis dans le milieu une bonne partie du développement qui a pu se
faire au cours des années.
Y
a-t-il d'autres implications majeures que vous avez pu avoir à
l'Anse-St-Jean ?
Je
m'implique actuellement dans l'organisation du 175eme... En fait, je
te dirais qu'à chaque fois qu'on m'a demandé de m'impliquer, je me
suis impliqué ! Tu sais, l'Anse-Saint-Jean, c'est vraiment mon
village, c'est vraiment mon milieu, et j'aime mon milieu, j'aime mon
village et j'aime les gens ! Ce sont des gens très dynamiques qu'il
y a ici, à l'Anse-St-Jean, et c'est un dynamisme qui est intéressant
et stimulant, mais il faut aller le chercher, aussi ! Les gens, il
faut aller les chercher, les impliquer, et leur donner la parole ;
or, c'est justement ma façon de travailler ! Écoute, j'ai été
toute ma vie de gestionnaire, un leader qui était rassembleur, et je
pense que je veux mettre à profit mes qualités, notamment de
leader, de même que toutes les compétences que j'ai pu développer
au cours de ma carrière professionnelle qui a duré 40 ans... J'ai
donc été quand même 40 ans en gestion, et j'ai surtout tellement à
coeur le milieu que je suis convaincu d'avoir quelque chose à lui
apporter ! D'autre part, je considère que j'ai reçu beaucoup, et je
pense qu'à un moment donné j'ai un peu le devoir de faire profiter
mon milieu de ce que j'ai obtenu, ou de ce que j'ai pu acquérir au
cours de ma carrière...
C'est
sûr que lorsque j'entends des gens répandre une rumeur comme quoi
j'aurais mis en faillite le Mont-Édouard, je trouve ça biaisé ,
parce que d'abord, quand la station en est venue en quelque sorte à
atteindre un mur, elle est alors devenue une coopérative, je n'étais
plus là, et ça faisait d'ailleurs plusieurs années que je n'étais
plus là... Bien entendu, cela ne veut pas dire cependant qu'on n'ait
pas connu de difficultés, car oui on en a eu, comme d'ailleurs
toutes les stations de la province qui elles aussi, comme je te
disais plus tôt, ont vécu des situations difficiles à l'époque,
quand tu dis qu'il y en a même plusieurs qui ont fermé !
Alors
quand on considère le fait qu'on a alors non seulement réussi à se
maintenir, mais à carrément démarrer la station dans un tel
contexte, je crois que ça mérite plus de félicitations qu'autre
chose ! Et à ce titre, je dirais que les administrateurs qui étaient
là au début ont fait un bon travail, puis ils ont finalement passé
le relais à une coopérative, qui je pense a elle aussi fait un très
bon travail pendant plusieurs années, mais finalement eux à leur
tour ont passé le relais.
La
municipalité a donc repris ça en main, et à cela je dis bravo,
mais je crois qu'à un moment donné, il faut aussi permettre à
l'organisation de pouvoir se développer de façon autonome, et de
n'être donc pas toujours dépendant de la municipalité. C'est
important de le rendre autonome le Mont-Édouard ! Et ça ne veut pas
dire qu'il ne faut pas encore le supporter pour encore quelques
années à venir, ce n'est pas vrai, je pense qu'on doit le
supporter, mais il faut faire en sorte qu'à un moment donné, on
puisse le rendre autonome ! Mais là, malheureusement, on a endetté
le Mont-Édouard pour payer ce que j'appelle l'épicerie, sans pour
autant avoir amélioré le produit !
L'épicerie
?
Par
payer l'épicerie, je veux notamment dire payer les fournisseurs...
Je fais bien sûr référence à l'expression connue «
d'emprunter
pour payer l'épicerie »,
ou en d'autres termes pour des dépenses courantes, plutôt que pour
des dépenses d'investissement... On a donc créé une dette qui est
triste, parce que d'une part on n'a rien amélioré au produit, et
d'autre part, on a généré cette dette en prenant des décisions
qui, dans le contexte, n'étaient pas nécessairement les meilleures
pour ce qui est de pouvoir assurer la rentabilité de la station...
du moins en mon humble opinion !