21/10/2011

Le paradoxe de la transparence

Le 30 août dernier, une demande d'information a été effectuée par un citoyen auprès du conseil municipal de L'Anse-St-Jean, au sujet d'un certain sondage que le maire aurait réalisé autour de la mi-août et qui aurait notamment permis à celui-ci de constater un taux record d'approbation populaire à son égard.

Le citoyen en question a finalement pu recevoir une réponse à sa demande... mais ce, pas avant la mi-septembre, soit pas moins d'un mois et demi plus tard.

Et cela, c'est en tenant compte du fait que le même citoyen a entretemps dû renouveler sa demande, en précisant par ailleurs que si l'on ne pouvait donner suite à celle-ci, il n'aurait alors d'autre choix que de passer par la Commission de l'Accès à l'Information. On est alors en droit de se demander combien de temps tout cela aurait donc pu prendre si le maire ne s'était vu l'objet de pressions supplémentaires à cet effet !..

De plus, dans cette réponse que l'on peut d'ailleurs consulter ici et ici, on peut voir qu'il demeure pratiquement impossible de consulter tout questionnaire rempli, ce qui revient à dire qu'il n'y a donc aucun moyen de vérifier si les chiffres avancés par le maire se trouvent à être basé sur quelque réelle donnée que ce soit ; en bout de ligne, cela se trouve donc à carrément permettre de douter que de telles données existent, et donc qu'un quelconque sondage ait jamais eu lieu.

Et c'est là qu'on peut d'ailleurs observer le paradoxe existentiel de la transparence, ou plutôt de l'absence de celle-ci, et que l'on pourrait en fait exprimer de la façon suivante : pourquoi une quelconque autorité prendrait-elle la peine de garder quelque chose caché, si pourtant elle n'a supposément « rien à cacher » ?... Et pour être plus précis, qu'est-ce que le fait de cacher quelque chose peut bien suggérer, sinon que l'on ait justement de bonnes raisons de le tenir caché ?

Car si une autorité est réellement confiante en le fait que ces affirmations sont basées sur la réalité, pourquoi hésiterait-elle donc à rendre publiques les documents qui permettent justement de le prouver ?

Et dans la mesure où cette autorité semble plutôt préoccupée à interdire toute forme d'accès à de telles données, qu'est-ce que cela tend donc à prouver, sinon que l'autorité en question est justement peu confiante dans la capacité de ces données à démontrer que ses affirmations sont réellement fondées ?

Autrement dit, qu'est-ce qu'un tel comportement tend donc à suggérer, sinon que l'on est tout simplement incapable de prouver que l'on dit la vérité ?

Or, si l'on dit réellement la vérité, ne serait-il pourtant pas sensé être simple de le prouver ?
Et si l'on se montre plutôt incapable de prouver que l'on dit la vérité, ou que l'on refuse tout simplement de le faire, qu'est-ce que cela se trouve donc à suggérer, sinon que, à supposer que l'on puisse examiner la réalité de plus près, on devrait plutôt se rendre compte que celle-ci se trouve en fait à contredire ce qui a auparavant pu être présenté comme la vérité ?

En d'autres termes, qu'est-ce ce que le manque de transparence tend donc à supposer, sinon que l'on ment, tout simplement ?

Remarquez qu'il ne serait sans doute guère plus scientifique de conclure que, du moment où une administration démontre un manque de transparence, il faille automatiquement interpréter la réalité comme correspondant pratiquement au contraire de ce qu'une telle administration peut avancer. En fait, une telle conclusion ne s'avèrerait guère plus scientifique, puisque la seule chose qui puisse permettre en principe de poser un jugement scientifique, ou en d'autres termes rationnel et crédible, est de pouvoir d'abord être en mesure d'observer les faits. Or justement, du moment où l'on empêche cela d'arriver, ne se trouve-t-on du même coup à ôter toute forme de crédibilité scientifique à tout ce qui pourrait être subséquemment affirmé ?

Ainsi, bien qu'on ne puisse d'aucune façon affirmer avec certitude que le maire ment lorsqu'il prétend avoir un sondage faisant état de sa popularité, mais qu'il refuse pourtant de montrer à qui que ce soit, on peut cependant, et ce avec toute la certitude scientifique que cela peut impliquer, considérer qu'une telle affirmation en elle-même n'a justement aucune crédibilité scientifique. De là à déduire qu'elle ne se trouve donc à avoir aucune crédibilité tout court, il n'y a bien sûr qu'un pas, comme sans doute vous en conviendrez.

Et n'est-ce pas là que peut apparaître dans toute sa splendeur ce que l'on pourrait donc appeler le « paradoxe de la transparence » ? Car après tout, n'est-il pas ironique qu'en tentant d'affirmer quelque chose sans pourtant vouloir le prouver, on ne peut en faire qu'ôter d'avance à une telle affirmation toute forme de crédibilité ? Et n'est-il pas pratiquement cocasse de constater qu'à force de vouloir contrôler totalement l'opinion des autres, quitte à devoir pour cela tenter de leur faire croire quelque chose sans pour autant être en mesure de prouver que cela soit basé sur quelque réalité que ce soit, on ne se trouve en bout de ligne qu'à saboter soi-même sa propre crédibilité ?

Cette petite réflexion permettrait donc, en bout de ligne, de donner au maire le conseil suivant : pourquoi ne pas démontrer un peu plus de réelle transparence, ne serait-ce qu'afin d'éviter de vous tirer vous-mêmes dans le pied ?

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